Yangoon ရန်ကုန် night & day-François Montagnon auteur-Photographe- writer-photographer-Birmanie-Burma-myanmar
Il avait écrit sur un carnet Moleskine noir longtemps après ces marches nocturnes de la volcanique Yangoon ရန်ကုန် poétique à souhait, c’était une ville ultra ; bruyante ; sale, décatie, c’est pourquoi il fallait en saisir les infrasons.
C’est dans un chaos absolu que Bouddha fit son éveil à Bodhgaya en Inde et y laissa quelques mèches de cheveux conservées au Shwedagon du Myanmar, ville épicentre aux accents indiens griffée d’une matrice fébrile, chaotique ciselée au burin, j’en laisse mes traces, sortes de plaques de verre patinées de couches millénaires d’histoire et d'une violence assourdie, murs estropiés groggys par les moussons, les torpeurs tropicales de pluies violentes.
"Elle était d’or et d’argent, magnétique de nuits comme de jours, du marcheur ébahit, ébaubit, s’esquive entre les ruelles mystérieuses, l’on entendait juste le chant des insectes, une guitare et des jeunes assis, puis la remontée désertée connue sous la lumière plombée des après-midi.
Il n’y eut plu lyrique de ces lumières incandescentes soufflantes des appartements éventés en cause des chaleurs étouffantes, tout avait l’air irréel, le marcheur ne pouvait comprendre, ne voulait savoir le comment de tous ces mouvements d’hommes et de femmes, silhouettes étranges et belles, dès la nuit tombée le mysterioso s’épaississait, l’astre du jour avait attiré des grappes d’oiseaux piaillant sur les arbres des bords du quartier indien, alors des terrasses à même le trottoir servaient le café du rendez-vous. Il ne se mêlait jamais à ça préférant de loin le regard de ce métronome ingénieux, qui avait organisé ce monde à sa façon, fut-il être injuste pour certains, l’astre s’éteignait brutalement, il était fort beau, et nul besoin de loupe pour qu’éclate les miracles, heureux de saisir ces instants de vérité, il voguait sur les artères tantôt larges, tantôt étroites, parfois louches ou dangereuses, néanmoins il continuait sous le sol rougit par les terres ferriques de ces contrées-là, toujours la poussière, toujours le déconfort, mais en échange de moments uniques, il revenait encore de cette tache d’encre de chine d’ombres et de nuit, à peine éclairé par les pauvres lampadaires. Cette richesse des promesses tenues compensait les difficultés matérielles pour atteindre tel ou tel objectif, de choses semblant très aisées de loin, d’un seul coup inaccessible par un destin têtu qui pouvait s’évertuer à compliquer le chemin, il s’acharnait à dépasser ces impressions qu’il connaissait, maîtrisait, se faisait violence pour acquérir sur les sels argentés du film poussé sans doute à 800 ASA, on le laissait passer sans doute, le sésame d’entrer dans la légende, la carte serait mainte fois détruite, l’instinct premier du Photographe-voyageur le poussait à résister à ce vent contraire, parfois on forçait pour traquer la forme, d’autre fois on se désistait".
François Montagnon novembre 2021-
Nyaung-oo
La Fille de glace, 2010, Yangoon.